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En couverture : Gregory Corso, poète américain, dans la chambre 41 du Beat Hotel, 9, rue Gît-le-Cœur, Paris VIeme arr. 1957 © Harold Chapman / TopFoto / Roger-Viollet. 

« Magnifique et stupéfiant Gregory Corso, le seul & unique Gregory le Héraut. »
Jack Kerouac.

« Sans doute le plus grand poète américain. »
Allen Ginsberg à propos de Gregory Corso.

“Amazing and beautiful Gregory Corso, the one & only Gregory the Herald.”

Jack Kerouac.

“He’s probably the greatest poet in America.”

Allen Ginsberg about Gregory Corso.

LE JOYEUX ANNIVERSAIRE DE LA MORT
The Happy Birthday of Death


GREGORY CORSO


recueil bilingue - bilingual book
Traduit de l’anglais par Blandine Longre
introduction de Paul Stubbs - postface de Kirby Olson

Isbn 9782919582099 – 2014 – 100 pages – 14 €

ouvrage épuisé / out of stock

Gregory Corso (1930-2001), l’un des poètes majeurs de la Beat Generation aux côtés de Jack Kerouac, d’Allen Ginsberg et de William S. Burroughs, a voué son existence à la poésie. Bien qu’ancrée dans la modernité, l’écriture de Corso puise également dans des traditions plus anciennes (celles, entre autres, du poète Percy Bysshe Shelley, figure tutélaire, et de l’héritage antique), révélant une poésie de nature composite, erratique et visionnaire, entre élégance lyrique et audace syntaxique, archaïsme revendiqué et facétieuse vitalité. Cet ouvrage rassemble un choix de poèmes extraits d’un recueil d’une incontestable originalité, Le Joyeux Anniversaire de la mort (publié en 1960 par New Directions), recueil qui concourut à consolider la réputation du poète, « un alchimiste des plus insolites, un belliciste des mots opérant à l’usure, bataillant aveuglément, immensément, avec le langage », ainsi que le décrit Paul Stubbs dans l’introduction au présent ouvrage.

Gregory Corso (1930-2001), one of the major Beat poets of the 20th century, alongside Allen Ginsberg, Jack Kerouac and William Burroughs, devoted his life to poetry. Although modern, Corso’s language is also rooted in a more ancient tradition (among others, the poet Percy Bysshe Shelley, a tutelary figure, and the heritage of the Antiquity), revealing an erratic and visionary poetry of a hybrid nature, oscillating between lyrical elegance and audacious syntactical ruptures, between deliberate archaism and jocular vitality. This book gathers together a selection of poems translated into French from a collection of rare originality, The Happy Birthday of Death (New Directions, 1960), which helped cement the reputation of Corso as ‘an attritional warmonger of words, and an immense and blind wrestler of language’, as Paul Stubbs portrays him in the introduction to this book.

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Tombe de Gregory Corso, Cimetière non-catholique de Rome. En épitaphe, le poème « Spirit » (publié dans le recueil Herald of the Autochthonic Spirit, 1981).

Gregory Corso’s grave in the Non-Catholic Cemetery in Rome. The epitaph is taken from his poem ‘Spirit’, which appeared in Herald of the Autochthonic Spirit (1981).

Dans la presse

Un article de Hugues Robert (Librairie Charybde, Paris XIe – septembre 2017)

C’est aux éditions Black Herald Press, avec Blandine Longre à la traduction et Paul Stubbs à l’accompagnement critique, que l’on doit ce superbe volume publié en 2014, reprenant une grande partie des textes publiés en 1960 sous le nom de « The Happy Birthday of Death », et naturellement dans une précieuse édition bilingue.
Pour lire l’article

Un article de Romain Verger (Membrane, novembre 2014)

Mort en 2001, le poète américain Gregory Corso compte parmi les membres de la Beat Generation, aux côtés de Kerouac, Ginsberg et Burroughs. Moins connu et célébré que les trois autres, il est comme le décrit Ted Morgan, le « partenaire jeune, accepté et apprécié, mais pas tout à fait leur égal. Il n’avait pas été là dès le début, représenté par l’alliance des intellectuels de Columbia avec les branchés de Times Square. Il était un nouvel arrivant, bien que ses références fussent assez impressionnantes pour lui donner libre accès au premier cercle Beat… » Les éditions Black Herald nous le font découvrir en traduction par son recueil The Happy Birthday of Death, paru en 1960, des poèmes écrits à l’occasion d’un séjour à Paris, où il logeait dans le fameux et non moins miteux Beat Hôtel tenu par le couple Rachou dans le Quartier latin, haut lieu de création pour les membres du groupe. Un ensemble composé à part égale de poèmes courts et de textes plus ambitieux comme « Armée », « La Mort » et « Mariage », qui ont en partage, pour reprendre une expression du poème « Une mort héroïque » de Baudelaire, de « bouffonner la mort ». Le meilleur moyen de conjurer la mort, c’est de la convoquer, de la tutoyer, de la provoquer et de l’exorciser par le jeu :« Passons sous des échelles, croisons des chats noirs, / brisons des miroirs, brûlons des pattes de lapin, arrachons le 4e pétale, / Oui! tirons donc l’AS DE PIQUE — / Dormons sans avoir verrouillé nos portes ». En cela, le titre du recueil traduit parfaitement la tonalité de l’ensemble, tour à tour ironique, grinçante, burlesque ou émouvante. Des poèmes qui (c’est peut-être ce qui distingue Corso) entretiennent des liens particulièrement marqués avec la culture hellénique et latine et sa mythologie, l’univers baroque de Marlowe ou de Shakespeare, et jusqu’au Romantisme de Shelley et de Hugo dont les gargouilles de Notre Dame « trompettent Paris / quand la pluie s’écoule de leurs gueules ».


Si le poète semble parfois parler d’outre-tombe, ou se dissocier de lui-même à l’occasion d’une syncope vécue comme une expérience de mort imminente (« Je suis dans le lit de l’homme mince et sais que mes jambes sont restées près de moi par un air pur et froid »), s’il imagine ses propres restes balayés par un employé des wagons-lits, s’il invoque la mort pour qu’elle le prenne sous son aile, c’est peut-être plus encore d’une menace de disparition plus grande qu’il est question, qui le dépasse ou plutôt ne se pense qu’à l’aune d’une parole anonymée, riche de toutes les voix qu’elle véhicule. Ainsi se fait-il « auto-stoppeur » pour pouvoir dialoguer, quand bien même l’échange y prendrait des accents dadaïstes. Et si le poète « refuse d’aller au-delà de l’autodisparition », c’est sans doute qu’il en irait d’une autre extinction, de la possibilité même de l’échange et de la circulation du verbe à travers le temps. C’est peut-être en effet de cette menace de mort-là qu’il est d’abord question, d’une poésie qui s’évertue, à la faveur des options modernes qui lui sont propres, à entretenir ce dialogue avec le passé, aussi éloigné fût-il, pour « retenir la marée égéenne » ; ces voix aimées, inspiratrices du passé, incessamment convoquées et réinvesties par l’auteur qui s’y ressource de poème en poème, pour en jouer tel un jongleur médiéval : « Oyez sorceleur! » Le poète en sorcier et thaumaturge se flatte de posséder le « moyen de ressusciter les morts ». Alors qu’on ne s’étonne pas de voir surgir de ces poèmes savamment préparés comme des « conserves de sorcières fenouillées », tout le panthéon gréco-latin, comme Lazare sortant du tombeau. Le poète y interpelle Thésée, Ulysse et le Cyclope, Zeus et Rhadamanthe, Éros ou Calypso… Dieux, héros et monstres païens participent de cette grande danse macabre orchestrée par Corso. Dans cette folie verbale, les références tourbillonnent, se croisent par-delà les siècles, dans une mémoire profuse et synchrétique où les symboles éculés de la mort — corbeaux, chacals, hyènes, vautours, lombrics, sans oublier la « Faucheuse avec faux et sablier » — paradent en son honneur. Et c’est tout naturellement la figure d’Orphée, auquel le poème « Inspectons la lyre » rend hommage, qui imprègne le plus fortement le recueil, revenu des Enfers, autour duquel des « joueurs infidèles » se pressent comme des babouins pour lui curer les dents et inspecter sa lyre. Comme si des poètes mal inspirés n’en finissaient plus de se sustenter de ses restes, de ronger ses os et de tirer des accords dissonants et des harmonies contrefaites de sa lyre : «  Ils amputeraient la rose pour connaître la rose / — et la rapiéceraient en décèlement maladroit. // Nul objet de beauté n’est fait pour être inspecté ». C’est contre assèchement d’une écriture procédant de la dissection que Corso lutte par sa poésie, en tentant d’accueillir l’irrévélé, le Mystère, la part à jamais vive et vibrante du « noble livre ancestral » dont le manuscrit de Shelley (« page fragile à l’encre brunie ») qu’il tient en main semble lui communiquer les arcanes sensibles et le remède : « mon écheveau cypressien excède l’époque chroniquée / et, comme si je vidais un pichet de lait, je / déverse le secret sur la page mourante. »


On trouvera dans le recueil des textes plus politiques comme le long poème vitriolé « Armée » qui, tout en éclairant le motif de la mort d’un autre jour, amalgame les guerres et les figures martiales de l’Histoire en un cri poignant de détestation. Sans oublier le désopilant poème intitulé « Mariage » (qui résonne étrangement avec sa propre union avec Sally November quelques années plus tard), où le poète plein d’ironie hésite à se marier, à se ranger et se plier aux valeurs bourgeoises d’une vie de famille confortable. Dans la vision qu’il donne de ce« fléau de la bigamie », Corso dépeint une autre image de la mort, où le poète casé, époux et père, n’aurait plus guère pour se consoler qu’à « accrocher une photo de Rimbaud sur la tondeuse à gazon » : « Ô qu’est-ce que ça serait! / C’est sûr je lui donnerais pour tétine un Tacite en caoutchouc / En guise de hochet un sac de disques de Bach cassés / Clouerais du Della Francesca tout autour de son berceau / Broderais l’alphabet grec sur son biberon / Et lui bâtirais un Parthénon sans toit pour tout parc […] Non, j’en doute, je ne serais pas ce genre de père / ni campagne ni neige ni fenêtre paisible / mais New York chaude puante exiguë / au septième étage, cafards et rats dans les murs / une grosse épouse reichienne épluchant les patates et braillant Trouve du boulot! / Et cinq mioches morveux amoureux de Batman / Et toutes les voisines édentées aux cheveux secs / telles ces foules de harpies du XVIIIe siècle / cherchant toutes à entrer pour regarder la télé ».

Un article de Jean-Pierre Longre (novembre 2014)

Gregory Corso (1930-2011), poète de la « Beat Generation » (celle d’Allen Ginsberg, Jack Kerouac et William S. Burroughs), est aussi « un iconoclaste capable de détruire ou de se soustraire à tout système de pensée, à tout système critique », selon les mots de Kirby Olson. Poète singulier, qui a donc un cheminement propre, non sans rapports avec son destin particulier. C’est en prison qu’il découvre la littérature et l’écriture, et tout au long de « sa vie chaotique », c’est la poésie qui l’a soutenu – sinon fait vivre.

Le volume bilingue publié par Black Herald Press, qui donne un large choix de textes tirés de The Happy Birthday of Death, un recueil écrit lorsqu’il vivait à Paris et publié en 1960, contribue à faire apprécier un poète jusque-là méconnu en France, puisque son œuvre n’y a été traduite et publiée que sporadiquement, par courts échantillons, peut-être à cause de cette originalité qui le caractérise, entre tradition et modernisme, entre classicisme et surréalisme. Paul Stubbs le précise dans son introduction : « Bien qu’il ait toujours été un poète moderne, voire enraciné dans son époque, Corso demeure avant tout un « ancien », doté d’une conscience pré-mythique, d’un mode d’expression pré-cognitif et, en fin de compte, excentrique » ; et les textes choisis sont une probante et belle illustration du caractère parfois surprenant d’une écriture qui « s’évertuait à atteindre les limites de l’imagination ».

Il y a du vagabondage dans cette écriture, qui évoque ici et là la Crète, Rome, Paris, L’Odyssée (mais tout de même, « Ulysse est mort », lui qui « aveugla créature d’immortalité ») ; il y a aussi du désespoir, du moins momentanément, dans les évocations de la mort et de la guerre, ou dans le constat du vide :

         « Il n’y a pas de nous, il n’y a pas de monde, pas d’univers,

         il n’y a pas de vie, pas de mort, pas de néant – rien n’a de sens,

         et ceci aussi est mensonge – Ô maudite année 1959 ! »

Mais cela n’exclut ni l’humour (celui, par exemple, des « Poètes auto-stoppeurs sur l’autoroute ») ni l’ironie sociale que manie le long poème intitulé « Mariage » et qui commence par une série de questions : « Devrais-je me marier ? Devrais-je être bon garçon ? / Sidérer la jeune voisine avec mon complet de velours et ma cagoule faustienne ? »

Questions en suspens – et heureusement, car, on le sait, la poésie est aux antipodes de la certitude :

                            « La poésie c’est chercher la réponse

                            La joie c’est savoir qu’une réponse existe

                            La mort c’est connaître la réponse ».

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