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Mass (Masse) / The Hijra Speaks (Le hijra parle) - Tabish Khair



Both poems below were first published in issue 1 of The Black Herald (& translated into French by Blandine Longre).

Tabish Khair is the author of various novels, essays, and poetry collections (among others Man of Glass, Harper Collins, 2010).


Les deux poèmes ci-dessous ont paru pour la première fois dans le n°1 du Black Herald, traduits de l'anglais par Blandine Longre. Tabish Khair est l'auteur de plusieurs romans (dont certains traduits en français par B. Longre), recueils d'essais et de poésie.

 

Mass


You said nothing, you didn’t need to; your eyes

Were eloquent. The only words that matter

End in silence.


Look at what happened when the idea

Which was in, say, God’s mind

Became word:


How the splurge of Light lit it all,

How it blossomed and paled,

How it fails daily.


To speak of love is to bring it into being,

And next to it then walks forever

The shadow, Death


Let’s keep this universe in our eyes, unsaid:

No big bang of words, no burning sun,

No black hole.


Where once a sacred world was spoken

In suns and planets and moons,

In star dust,


Where once something had come into being

And shrunk as all matter does

To nothingness,


Where once there had been light present,

Let’s not have the dense mass

Of a past.



Masse


Tu n’as rien dit, tu n’en as pas eu besoin ; tes yeux

Parlaient d’eux-mêmes. Les seuls mots qui comptent

S’achèvent en silence.


Vois ce qui survint quand l’idée

Qui était dans, disons, l’esprit de Dieu

Devint verbe :


Comment la débauche de Lumière illumina tout

Comment elle s’épanouit puis pâlit,

Comment chaque jour elle échoue.


Parler de l’amour suffit à lui donner vie

Et alors près de lui chemine toujours

L’ombre, la Mort


Conservons cet univers dans nos yeux, indicible :

Ni explosion de mots, ni soleil brûlant,

Ni trou noir.


Là où jadis on proclama un monde sacré

En soleils, en planètes et en lunes,

En poussière d’étoile,


Là où jadis quelque chose avait vu le jour

Puis, ainsi que toute matière, se réduisit

Au néant,


Là où jadis il y avait eu présence de lumière,

Ne laissons pas s’installer la dense masse

D’un passé.



*



The Hijra (eunuch) Speaks


If shame is an art

Shamelessness is an act

The purpose of both

Is to keep the self intact.


In the one you learn

To lower your gaze;

In the other to turn

A blush to a blaze.


In a land where brides

Of shame are experts,

It follows we are

Shameless till it hurts!


Their art is required,

For someone decides

Their fate: It’s a fact

Our act also hides.


We stand face to face.

We stand back to back.

They bear the brunt of

That ‘blessing’ we lack.


What divides us also

Joins us without fail:

Persistence in worlds

Dominantly male.



Le hijra (l’eunuque) parle


Si la honte est un art

L’impudeur est un rôle :

L’objet de chacune étant

De conserver l’être intact.


Avec l’une tu apprends

À baisser le regard ;

Avec l’autre à faire

D’une rougeur un incendie.


Dans un pays où les jeunes épousées

En honte sont expertes,

Il s’ensuit que nous sommes

Impudiques à l’extrême !


Leur art est requis,

Car quelqu’un décide

De leur destinée : c’est un fait

Que dissimule aussi notre rôle.


Nous nous tenons face à face

Nous nous tenons dos à dos.

Elles font les frais

De ce « bienfait » qui nous fait défaut.


Ce qui nous sépare

À coup sûr nous unit aussi :

La persévérance, en des mondes

Où le mâle prédomine.



© Tabish Khair / Blandine Longre pour la traduction, 2011.


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